La brisure de symétrie spontanée et sa signification
Un découverte importante
La brisure spontanée des symétries suggère le commencement de la vie et de son évolution. Cela signifie aussi que le déterminisme absolu est brisé, une condition essentielle de l’évolution.
En 1989 paraissait : « La symétrie aujourd’hui » : Un état des lieux par 12 scientifiques français[1] arrivés à la conclusion que : C’est dans d’infimes brisures de symétrie que le vivant semble s’être engouffré ! Entre-temps, d’autres chercheurs sont arrivés à la conclusion que l’homochiralité[2] engendrée par une brisure de symétrie était, entre autres, à l’origine de la vie et de son évolution.
La brisure entraîne la division d’un champ en deux champs distincts. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette brisure n’est pas un défaut du système, elle est le moteur de l’évolution ! Cette brisure de symétrie a été observée de très nombreuses fois au CERN, à Genève, dans le collisionneur de particules. Louis Pasteur avait déjà observé ce phénomène dans l’acide tartrique du vin jaune de son village à Arbois, dans le Jura, vers 1870. Il avait nommé « chiralité » cette rupture de symétrie de miroir.
La brisure de symétrie spontanée est une découverte importante. Elle a été honorée en 2008 par la remise du prix Nobel de physique à trois chercheurs américano-nippons : MM. Nambu, Kobayashi et Maskwa pour leurs travaux sur son origine et le mécanisme de la brisure spontanée.
Cette petite différence entre symétrie et brisure de symétrie peut sembler anodine, sauf si vous songiez à la théorie du chaos. L’air autour du globe est si instable que les battements d’ailes d’un papillon, quelque part en Asie, pourraient (théoriquement) provoquer une tempête chez nous ! L’image est caricaturale, mais elle nous apprend qu’une petite cause peut avoir de grands effets !
Lors d’une nuit d’insomnie j’ai songé que St Augustin avait peut-être perçu la brisure de symétrie longtemps avant les scientifiques. Son système référentiel, celui de son époque, au Vème siècle AD, était la symétrie et ses symboles de pureté, perfection, éternité etc. La brisure de la pureté signifiait pour lui le « péché originel » soit le mal qui conduit à la mort. A l’inverse, de nombreux scientifiques voient aujourd’hui, dans la brisure de symétrie, le commencement de la vie.
De mon point de vue, le commencement de la vie s’apparente avec le commencement du bien[3] , dans la mesure où la vie est le bien suprême. A lui seul ce constat devrait nous amener à revoir notre système référentiel.
Les symétries équivalent aux lois de conservation. Mais la physique a aussi cessé de croire que « tout se conserve ». La brisure de symétrie dans le temps trace l’évolution de la matière et de l’univers. En fait, elle est aussi une constatation de notre vie de tous les jours. Avec elle nous entrons dans une nouvelle ère ou un nouveau paradigme. Au lieu d’un monde abstrait, non vivant, déterminé, non évolutif, nous entrons dans le monde du vivant et de l’évolution. Il s’agit d’un monde sans finalité, indéterminé, où le déterminisme est encore très présent, mais sans être absolu, ni parfait.
Le déterminisme est incompatible avec le libre arbitre et la responsabilité morale. Il repose sur des symétries parfaites. Dans sa forme historique, le déterminisme est une croyance intransigeante que la révolution quantique a finalement vaincue.
Werner Heisenberg et son principe d’incertitude (ou principe d’indétermination) a enfoncé le premier clou dans le cercueil du déterminisme absolu, tandis qu’Albert Einstein maintenait encore une vision très déterministe de l’univers. Son interprétation de la mécanique quantique a finalement été prise en défaut lorsque le physicien John Bell a écrit les fameuses inéquations dites « Les inégalités de Bell ». On peut dire que J. Bell a écrit l’oraison funèbre du déterminisme absolu et qu’Alain Aspect en a été le fossoyeur lorsqu’en 1982 il a démontré expérimentalement la validité des inégalités de Bell. Nous savons maintenant que le monde évolue de manière indéterminée, sans finalité apparente bien que de nombreux systèmes locaux suivent un déterminisme apparent.
Le passage du paradigme abstrait de la symétrie à celui très réel de la brisure de symétrie s’est fait très progressivement. Les artistes, musiciens, peintres ont été les premiers à rompre avec le passé. Fini les galeries de portraits figés du Prado ou d’ailleurs ; Rembrandt a introduit une dynamique, une vie dans « la ronde de nuit ». Les impressionnistes nous ont charmés par les formes et des couleurs nouvelles. Les peintres de la Sécession à Vienne se sont émancipés.
A la même époque il y avait encore des « classiques » comme F. Hodler restés fidèles à la symétrie.
Dans son chef-d’œuvre
« Guernica » P. Picasso a utilisé la dissymétrie des corps déchiquetés pour exprimer toute la terreur, la violence, la souffrance, la mort.
Les physiciens ont fait le saut avec la révolution quantique. Les vérifications ont exigé une ingénierie sophistiquée et cela a pris du temps, mais maintenant c’est devenu leur nouvelle référence depuis une quarantaine d’années. Les retardataires sont les sciences humaines, notamment l’économie et l’éthique qui tardent à faire leur mue. L’économie néolibérale et sa « théorie de l’efficience (de la perfection) des marchés » nous a révélé sa faiblesse et son manque de réalisme après l’effondrement des marchés en 2008.
Avec ces connaissances accumulées jusqu’à la fin du 20ème siècle nous pouvons maintenant envisager la construction d’une nouvelle éthique, plus universelle et construite sur des bases plus objectives.
[1] Co-auteurs : A. Brack, G. Cohen-Tannoudji, Y. Coppens, Y. Guiard, C. Houzel, J-Jacques, G. Lascaut, J.-M. Lévy-Leblond, B. Maitte, J.-C. Risset, Sc. de Schonen, J.-M. Souriau interrogés par E. Noël, lors d’émissions radiophoniques.
[2] Les acides aminés du vivant sont ainsi tous de forme gauche, alors que les sucres de l’ADN sont au contraire droitiers. On parle alors d’homochiralité de la vie. Ces deux termes sont inséparables: les scientifiques s’accordent à dire que l’homochiralité est une signature fondamentale de la vie, une condition nécessaire à son développement. Sans cette « homochiralité de la vie » (ou encore asymétrie biomoléculaire), la vie ne pourrait pas exister.
[3] En hébreu ancien le « bien » se disait « champignon comestible » et le « mal », « champignon vénéneux » La notion de « bien » est donc intimement liée à celle de vie, du moins dans la tradition Judéo-chrétienne.