La réciprocité, la solidarité, la vérité
La symétrie de miroir (chiralité)
Les deux mains jointes, pouce contre pouce sont symétriques comme dans un miroir.
Cependant ces deux mains ne sont pas superposables comme dans la symétrie bilatérale. Louis Pasteur est le premier qui a découvert cette forme de symétrie/asymétrie. Il l’a appelée : «La chiralité».
Si je recherchais une éthique autoréférentielle cette symétrie m’inspirerait le narcissisme ou l’amour de soi. Cependant le miroir ne renvoie jamais sa propre image. Il n’est pas égocentrique ! Il renvoie toujours une autre image que la sienne. Cette symétrie de miroir me suggère le principe de réciprocité, qui est objectif, qui s’ouvre vers l’Autre.
La réciprocité
La réciprocité est une valeur connue et très ancienne. Elle est à la base de la « Règle d’or » qui a été proposée par Confucius: « Ne pas faire aux autres ce que nous ne voulons pas qu’ils nous fassent ». C’est une valeur qui a fait ses preuves. Pratiquement toutes les religions s’en inspirent.
Quand G.B Shaw suggère de «Faire aux Autres ce que nous voudrions qu’ils nous fassent », la formule ne marche plus puisque les Autres n’ont pas forcément les mêmes goûts que nous aimerions leur imposer !
Il faut distinguer la réciprocité dans le « bien » dont le référentiel est la vie et la réciprocité dans le mal (comme la loi du Talion) dont le référentiel n’est plus la vie, mais la vengeance, voir la mort.
La loi du Talion « …œil pour œil, dent pour dent » est bien connue pour son effet dissuasif ; cependant sa symétrie parfaite l’enferme dans un cercle vicieux et empêche toute évolution. N’oublions pas la grande sagesse des anciens qui ont inventé le pardon, la tolérance qui brisent la symétrie de cette loi et permettent de faire évoluer les situations dans le bon sens, celui de la vie.
La solidarité
J’ai aussi remarqué que la réciprocité dans les assurances mutuelles (assurance maladie, chômage etc.) et les crédits mutuels conduisait à la solidarité, un sous-produit de la réciprocité dans le bien.
La vérité
Dans un autre contexte cette symétrie suggère la vérité en tant que miroir de la réalité.« Adaequatio rei et intellectus », « adéquation de la chose à l’intellect » disait Thomas d’Aquin. La vérité est une sorte de miroir de la réalité telle qu’elle est vue, écoutée, ressentie puis décrite par le sujet.
La vérité devrait être objective car sa référence est ce qui naît de la brisure : ce qui EST. En l’occurrence, elle dépend du lieu, du temps et des perceptions du sujet, qui lui renvoient une image de la vérité, comme dans la symétrie de miroir, mais légèrement déformée (côtés inversés).
Ce qui est « vrai », dans ce sens, est synonyme de ce qui « EST ». La vérité est « vivante », elle change suivant le lieu et le moment, mais elle ne peut pas être une chose et son contraire. Le principe de « non-contradiction » d’Aristote est son rempart. Face à une contradiction nous devons faire un choix de nature éthique, car on ne peut pas « ETRE » et, simultanément, « NE PAS ETRE ». La vérité n’est qu’une autre facette de la vie, de la réalité vivante et dynamique.
Le mensonge est une représentation déformée de la réalité ; il ne reflète que les pensées du sujet, il est autoréférentiel. La vérité est fragile, elle dépend de rapports de force équilibrés, faute de quoi elle perd son objectivité et sa fiabilité. Elle devient alors subjective. Dans les rapports entre une personne forte et une faible, il arrive que l’individu en état de faiblesse fasse usage du mensonge dans un souci de protection. Mais le contraire est plus grave : « La raison du plus fort est toujours la meilleure ! » disait La Fontaine. Dans ce cas, la vérité du plus fort devient de plus en plus subjective pour ne refléter que ses pensées, sa vision, sa paix, son prix ; en d’autres termes : sa fausseté. Un grand déséquilibre corrompt la qualité de la relation.
La réalité change tout le temps puisque les interactions la façonnent, la pétrissent et la remodèlent continuellement. À vouloir fixer la vérité par des paroles ou des textes, sans préciser aucun critère de temps et d’espace, on risque de la mettre en décalage par rapport à la réalité vivante et évolutive. C’est le problème des législations, qui peinent à s’adapter aux changements de la réalité.
Il existe une forme de vérité précise, mais parfois trompeuse, dont la référence est une forme de symétrie. Il s’agit des mathématiques. Les équations peuvent être «exactes» sans être nécessairement « vraies ». Elles peuvent proposer un modèle abstrait cohérent qui ne reflète pas nécessairement la réalité. Les prédictions seront alors fausses comme nous avons pu l’observer en 2008 avec l’échec des mathématiques financières dites « gaussiennes »(2)
La vérité, à l’instar de la liberté, apparaît donc comme une autre facette de la réalité. Elle se compose d’un système référentiel et d’interactions de nature symétrique.
La réciprocité dans le bien, la solidarité, la vérité sont des valeurs importantes dans toutes les formes de relations, personnelles, commerciales ou diplomatiques. Elles créent du lien social.
2. Le cygne noir (The black swan) de Nassim N. Taleb (retour)